“On ne développe pas, on se développe”. Cette citation de Joseph Ki-Zerbo, évoquée lors de la création de TPSF puis réaffirmée par le réseau J+ TPSF lors de l’élaboration du Plan stratégique 2021-2026, constitue à présent le leitmotiv de TPSF. Joseph Ki-Zerbo, qui a été à la fois historien et homme politique, est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands penseurs de l’Afrique contemporaine. Mais qui était-il vraiment ?
Photographie issue de l’article « Black History Month » de Acèle Nadale, publié sur Afrolivresque.
Un parcours académique singulier
Joseph Ki-Zerbo était un homme burkinabé, né en 1922 dans la ville de Toma, petite ville de 12 000 habitants, située dans le nord-ouest du pays, à quelques kilomètres de la frontière malienne. Il est décédé le 4 décembre 2006, à l’âge de 84 ans, à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso.
Après avoir passé son baccalauréat en 1949 à Bamako, au Mali, Joseph Ki-Zerbo a poursuivi ses études en France, où il a étudié l’Histoire à la Sorbonne. Il a ensuite passé un doctorat à l’Institut d’Études Politiques (IEP) de Paris, et est ainsi devenu en 1956 le premier africain agrégé d’Histoire. Il a ensuite enseigné au sein de plusieurs universités, à Paris, Orléans, puis Dakar, à partir de 1957, avant de s’engager en politique.
Une carrière politique engagée
Son parcours politique commence en 1958, où il crée à Dakar, avec plusieurs autres personnes un nouveau parti politique : le Mouvement de Libération Nationale (MLN), mouvement panafricain qui promeut notamment l’indépendance totale de l’Afrique, la création des Etats-Unis d’Afrique et l’adoption d’un socialisme adapté aux réalités africaines. Le MLN s’est ainsi positionné contre la création d’une Communauté franco-française, proposition formulée dans le cadre de la nouvelle constitution française, et dont l’ambition était de succéder à l’Union Française, organisation politique qui liait la France et son empire colonial.
Lorsque le Burkina Faso obtient son indépendance en 1960, Joseph Ki-Zerbo devient très vite un acteur incontournable de l’opposition au régime instauré, en militant pour la démocratie. Vingt-trois ans plus tard, en 1983, il est contraint à l’exil, et quitte son pays, qu’il ne retrouve qu’en 1992. Il fonde l’année suivante le PDP (Parti pour la Démocratie et le Progrès), qui devient vite le premier parti d’opposition du pays, le CDP (Congrès pour la Démocratie et le Progrès), du Président Blaise Compaoré.
Parallèlement à cela, il devient membre du Conseil exécutif de l’UNESCO. En 1998, Joseph Ki-Zerbo fonde le CODMPP (Collectif des Organisations Démocratiques de Masse et de Partis Politiques), après l’assassinat de Norbert Zongo, journaliste burkinabé considéré comme une des figures principales de la lutte pour la démocratie et la liberté de la presse en Afrique, et fondateur du journal L’Indépendant, dénonçant la corruption au sein de l’Etat et le régime de Blaise Compaoré.
Un historien fervent défenseur du panafricanisme
En tant qu’historien, Joseph Ki-Zerbo s’est attaché à promouvoir l’histoire de l’Afrique, mais celle racontée par les Africains, et non par les Européens. Il a notamment incité à ce que l’Afrique conquiert sa propre identité, pour exister et redevenir un acteur du monde, car “Sans identité, nous sommes un objet de l’histoire, un instrument utilisé par les autres. Un ustensile”. Il a également écrit plusieurs livres, dont A quand l’Afrique ? Entretien avec René Holenstein, publié en 2003 et qui se veut plein d’espoir pour le continent africain, face à tous les enjeux liés à la mondialisation. Joseph Ki-Zerbo a aussi rédigé deux volumes de l’Histoire Générale de l’Afrique de l’UNESCO, œuvre pionnière ayant vocation à couvrir l’ensemble de l’histoire du continent africain, depuis l’apparition de l’Homme à l’époque contemporaine.
En tant qu’historien, Ki-Zerbo s’est également engagé dans des travaux de recherche pour la mise en œuvre de modèles de développement originaux et novateurs. On lui doit notamment la célèbre phrase : “On ne développe pas, on se développe”, qui promeut et met en lumière le développement endogène des territoires. En 1997, il obtient ainsi le Right Livelihood Award, ou Prix Nobel alternatif, qui récompense les personnes travaillant sur la recherche de solutions pertinentes et exemplaires face aux défis actuels urgents.
Aujourd’hui, la plus ancienne des universités du Burkina Faso a été baptisée à son nom. L’Université Joseph Ki-Zerbo a été classée ces dernières années parmi les meilleures universités d’Afrique francophone. Une fondation a également été créée en son nom et en celui de son épouse, afin de militer pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles en Afrique et dans le monde.
Valentine Le Cras