Passage d’un questionnaire à Gboto Assigame : une démarche de TPSF pour mieux cibler les besoins

Il n’est pas toujours simple de s’assurer de la prise en compte de tous les besoins particuliers des populations lors du montage d’un projet. TPSF n’intervient pas directement sur les questions de genre néanmoins, il est pourtant crucial d’intégrer les femmes dans chacune de nos démarches car elles sont souvent les bénéficiaires principales de nos projets d’infrastructures d’eau. Voici l’exemple d’un questionnaire qui a été passé principalement aux femmes dans un village au Togo afin de cibler au mieux leurs besoins.

L'équipe de l'ONG AED fait passer le questionnaire à des focus groups

Gboto Assigame, un canton togolais face aux problématiques de l’eau 

Malgré une croissance annuelle soutenue, celle-ci étant supérieure à 5 % avant la crise du COVID19, le Togo reste marqué par une population particulièrement pauvre et vulnérable face aux aléas économiques en raison notamment d’un manque important d’infrastructures liées à la santé, à l’éducation, au transport ou à l’eau. Ainsi, ce manque d’infrastructures sanitaires et les maladies graves que cela entraîne comme le paludisme, la fièvre typhoïde et d’autres encore, est l’une des principales causes de décès enregistrées. Cette vulnérabilité face à ces maladies est renforcée lors de la saison des pluies qui amène de fortes inondations et transforme une grande partie du pays en une grande zone humide qui facilite les transmissions de maladies et la prolifération de moustiques. 

Ce tableau correspond à la situation que l’on trouve à Gboto Assigame. Ce petit canton de la région Maritime au sud du Togo connaît une saison des pluies particulièrement virulente puisque celle-ci amène régulièrement des inondations qui entraînent des pertes matérielles mais aussi humaines. Néanmoins, ce n’est pas là le seul problème lié à l’eau que rencontrent les habitants de Gboto Assigame. En effet, ceux-ci n’ont pas d’accès permanent et sécurisé à une source d’eau potable suffisante pour les huit mille habitants du village. Pour satisfaire leur soif, les habitants sont contraints de consommer de l’eau insalubre et s’exposent ainsi à divers risques. 

C’est face à cette situation qu’en 2019, l’ONG Association Entraide et Développement (AED) en partenariat avec le Comité Villageois de Développement (CVD) ont sollicité l’aide de TPSF afin de mettre en place un projet de développement intégré suivant les recommandations du rapport d’inondation 2019 de la Direction Préfectorale de l’Action Sociale de Yoto. Le projet devrait permettre d’améliorer la capacité de gestion de l’eau du canton grâce à la construction d’un réseau de caniveaux pour capter et stocker l’eau à des fins agricoles, mais aussi grâce à l’installation d’un château d’eau et de bornes fontaines mettant de l’eau potable à disposition de tous les habitants. 

Un outil qui s’adapte aux situations locales : le questionnaire

L’idée d’utiliser un questionnaire afin d’affiner la prise en compte des besoins des populations est celle de deux stagiaires encadrées qui ont travaillé à TPSF au début de l’année 2022. Après avoir fait des recherches poussées sur la situation sociale au Togo et dans le village, Lauriane et Saamtina se sont interrogées sur les besoins spécifiques des femmes dans le cadre d’une réflexion portée par la cellule Jeune, Genre et ODD. Grâce au partenariat avec l’association togolaise AED, elles ont pu construire un questionnaire pertinent afin de recueillir des informations spécifiques aux personnes les plus marginalisées du village. AED a ainsi proposé le soutien d’une sociologue avec laquelle ils travaillent. Aféfa Kohou a dès lors aidé nos stagiaires à affiner leur sujet et à adapter leurs questions au terrain et à la situation socio-culturelle de Gboto Assigame. Elle a ensuite traduit le questionnaire en langue locale.

Des femmes vont chercher de l'eau à Gboto Assigame

Une intervention sur le terrain encadré par notre partenaire 

Le passage du questionnaire aux habitants a été réalisé par une équipe de trois personnes : Aféfa, la sociologie de l’AED, ainsi que deux intervenantes qui ont été formées spécifiquement pour cette mission. Elles se sont rendues une journée sur place à la mi-mars. À leur arrivée, elles ont fait une visite du village pour voir les infrastructures existantes et les espaces à disposition afin de prendre des photos et des informations pour le projet. Elles ont discuté avec de nombreux.ses habitants.es du village présents.es à ce moment. La sociologue et son équipe ont fait passer le questionnaire d’abord à quelques personnes sélectionnées en amont pour une caractéristique ou leur rôle particulier dans le village puis à des petits groupes composés d’hommes et de femmes. Au vu de la place de la femme dans les problématiques liées à l’eau, celles-ci ont été sur-représentées dans l’échnatillon afin que leurs besoins spécifiques soient particulièrement pris en compte. Ainsi, 71 % des personnes interrogées sont des femmes.

Des réponses qui permettent de mieux comprendre les besoins spécifiques à Gboto Assigame

À Gboto Assigame, l’eau est utilisée à de multiples fins. Elle sert de boisson principalement mais aussi pour faire la cuisine, le ménage ou la toilette. Dans une moindre mesure, elle sert pour l’agriculture et l’élevage. Ainsi, grâce aux questions d’identification des personnes, nous avons pu constater qu’une grande majorité des habitants.es exercent une activité agricole de subsistance. Ces cultures sont particulièrement vulnérables aux aléas climatiques tels que les inondations et le réchauffement climatique. Elles nécessitent d’avoir une source d’eau constante et sécurisée afin de garantir la meilleure production possible.

Les habitants.es du canton utilisent différentes sources pour s’approvisionner en eau. Trois bornes fontaines ont été construites dans le village. Selon la population, l’eau des fontaines est de bonne qualité, c’est donc la source qu’ils privilégient. Mais lorsque celles-ci sont à sec ou ne fonctionnent pas, iels doivent se rabattre sur d’autres sources dont la qualité est questionnable comme par exemple, la rivière Afan à 7 km du village ou l’eau de pluie recueillie dans des bidons et non traitée. Le village compte trois forages privés qui ne sont pas mis à disposition de tous.tes les habitants.es. 

La principale difficulté relative à la ressource en eau en Afrique est le déplacement. En période sèche, les femmes du village sont 54 % à faire les aller-retours jusqu’à la borne entre 6 et 10 fois par jour, 14 % le font plus de 10 fois tout au long de la journée. Arrivées à la borne fontaine, il faut souvent attendre au moins trente minutes avant de pouvoir remplir son bidon. Malgré ces nombreux déplacements, cela ne suffit pas puisqu’une très vaste majorité des interrogés.es n’ont pas assez d’eau pour répondre aux besoins de leur famille. Ces trois bornes fontaines publiques, lorsqu’elles fonctionnent toutes, doivent répondre aux besoins de plus de huit mille personnes. Effectivement, au cours de l’année écoulée, une borne n’a pas fonctionné pendant plus de deux mois faute de réparation. Un problème de débit d’eau persiste chaque année durant les mois secs. Un point important que nous souhaitions soulever dans notre questionnaire était celui des contenants utilisés pour aller chercher de l’eau. En effet, un contenant qui ne se ferme pas augmente significativement le risque de contamination et la prolifération des bactéries. La majorité de la population du canton utilise des bidons et des bassines pour aller chercher l’eau puis la conserve dans des jarres. Ces jarres ne sont pas toujours fermées et les bassines n’ont pas de bouchons. 

Aujourd’hui, les habitants.es de Gboto Assigame payent 25 FCFA pour une bassine de 25 L d’eau. Au vu de la qualité du système et des infrastructures qui leur sont mises à disposition aujourd’hui, environ 60 % des personnes interrogées trouvent que ce prix est élevé et souhaiteraient que le prix de l’eau se situe plutôt entre 10 et 15 FCFA. 

Une autre préoccupation que nous souhaitions interroger dans le questionnaire était celle des pratiques liées à l’hygiène. Il semblerait que la très grande majorité de la population a les bons gestes en matière de toilettes et de propreté des mains. Nous nous sommes ensuite penchés sur la question des latrines. En effet, 75 % des habitants.es interrogés.es n’ont pas de toilettes à leur domicile et sont obligés.es d’aller dans la nature afin de se soulager. Malgré une connaissance des risques que cela implique, iels n’ont pas d’autres choix. Ces pratiques créent des conflits avec les propriétaires des plantations alentour. Trois latrines avaient été installées dans différents quartiers du village pour remédier à cela, mais celles-ci n’ont pas permis de résoudre durablement le manque d’infrastructures. Les usagers n’ont pas su les entretenir et les réparer, elles sont devenues inutilisables. 

Grâce à la coopération avec l’ONG AED au Togo, TPSF a pu réaliser une enquête qui a permis d’avoir davantage de renseignements sur des points clés du projet. Les besoins spécifiques de certaines parties de la population ne sont pas toujours exprimés lors de la reconnaissance d’un projet. Le questionnaire a permis d’être certain de répondre aux besoins des premières concernées : les femmes.

Paola Hernandez

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